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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/493

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— Et où courez-vous donc si gaillardement ?

— Monsieur le comte, je vais à Rome.

— Comment, à Rome ? Si tard !

— Oh ! j’y serai presque aussitôt que vous. La route ne me fait pas peur, et c’est de l’argent vite gagné.

Il ne perdait pas une enjambée, tournant à peine la tête, allongeant le pas, le long des roues ; si bien que Prada, mis en joie par la rencontre, dit tout bas à Pierre :

— Attendez, il nous amusera.

Puis à voix haute :

— Puisque vous allez à Rome, l’abbé, montez donc, il y a une place pour vous.

Immédiatement, sans se faire prier davantage, Santobono accepta.

— Je veux bien, mille grâces !… Ça vaut encore mieux de ne point user ses souliers.

Et il monta, s’installa sur le strapontin, refusant avec une brusque humilité la place que Pierre voulait poliment lui céder près du comte. Ceux-ci venaient enfin de reconnaître, dans l’objet qu’il portait, un petit panier plein de figues, joliment arrangé et recouvert de feuilles.

Les chevaux étaient repartis à un trot plus vif, la voiture roulait sur la belle route plate.

— Alors, vous allez à Rome ? reprit le comte, pour faire causer le curé.

— Oui, oui, je vais porter à Son Éminence Révérendissime le cardinal Boccanera ces quelques figues, les dernières de la saison, dont j’avais promis de lui faire le petit cadeau.

Il avait posé sur ses genoux le panier, qu’il tenait soigneusement entre ses grosses mains noueuses, ainsi qu’une chose fragile et rare.

— Ah ! les figues fameuses de votre figuier ! C’est vrai, elles sont tout miel… Mais débarrassez-vous donc, vous n’allez pas les garder sur vos genoux jusqu’à Rome. Donnez-les-moi, je vais les mettre dans la capote.