Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/502

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seul, et non le poison, qui fait mourir ?… On raconte que telle a été la dernière parole du pauvre monsignor Gallo, quand il a expiré dans les bras de son ami, le cardinal Boccanera.

Une seconde fois, sans parler, Santobono inclina la tête. Et tous trois se turent, songeurs.

La voiture roulait, roulait sans cesse par l’immensité nue de la Campagne. Toute droite, la route paraissait aller à l’infini. À mesure que le soleil descendait vers l’horizon, des jeux d’ombre et de lumière marquaient davantage les vastes ondulations des terrains, qui se succédaient ainsi, d’un vert rose et d’un gris violâtre, jusqu’aux bords lointains du ciel. Le long de la route, à droite, à gauche, il n’y avait toujours que de grands chardons séchés, des fenouils géants aux ombelles jaunes. Puis, ce fut encore, à un moment, un attelage de quatre bœufs, attardés dans un labour, s’enlevant en noir sur l’air pâle, d’une extraordinaire grandeur, au milieu de la morne solitude. Plus loin, des moutons en tas, dont le vent apportait l’âpre odeur de suint, tachaient de brun les herbes reverdies ; tandis qu’un chien, parfois, aboyait, seule voix distincte, dans le sourd frisson de ce désert silencieux, où semblait régner la paix souveraine des morts. Mais il y eut un chant léger, des alouettes s’envolaient, une d’elles monta très haut, tout en haut du ciel d’or limpide. Et, en face, au fond de ce ciel pur, cristal limpide, Rome de plus en plus grandissait, avec ses tours et ses dômes, ainsi qu’une ville de marbre blanc, qui naîtrait d’un mirage parmi les verdures d’un jardin enchanté.

— Matteo, cria Prada à son cocher, arrête-nous à l’Osteria Romana.

Et, s’adressant à ses compagnons :

— Je vous prie de m’excuser, je vais voir s’il n’y a pas des œufs frais pour mon père. Il les adore.

On arrivait, et la voiture s’arrêta. C’était, au bord même de la