Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/503

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route, une sorte d’auberge primitive, au nom sonore et fier : Antica Osteria Romana, simple relais pour les charretiers, où les chasseurs seuls se hasardaient à boire une carafe de vin blanc, en mangeant une omelette et un morceau de jambon. Pourtant, le dimanche parfois, le petit peuple de Rome poussait jusque-là, venait s’y réjouir. Mais, en semaine, dans l’immense Campagne nue, des journées s’écoulaient, sans qu’une âme y entrât.

Déjà le comte sautait lestement de la voiture, en disant :

— J’en ai pour une minute, je reviens tout de suite.

L’osteria ne se composait que d’une longue construction basse, à un seul étage ; et l’on montait à cet étage par un escalier extérieur, fait de grosses pierres, que les grands soleils avaient cuites. Toute la bâtisse, d’ailleurs, était fruste, couleur de vieil or. Il y avait, au rez-de-chaussée, une salle commune, une remise, une écurie, des hangars. À côté, près d’un bouquet de pins parasols, l’arbre unique qui poussait dans le sol ingrat, se trouvait une tonnelle en roseaux, sous laquelle étaient rangées cinq ou six tables de bois, équarries à coups de hache. Et, comme fond à ce coin de vie pauvre et morne, se dressait, derrière, un fragment d’aqueduc antique, dont les arches béantes sur le vide, écroulées à demi, coupaient seules la ligne plate de l’horizon sans bornes.

Mais le comte revint brusquement sur ses pas.

— Dites donc, l’abbé, vous accepterez bien un verre de vin blanc. Je sais que vous êtes un peu vigneron, et il y a ici un petit vin qu’il faut connaître.

Santobono, sans se faire prier, tranquillement, descendit à son tour.

— Oh ! je le connais, je le connais. C’est un vin de Marino, qu’on récolte dans une terre plus maigre que nos terres de Frascati.

Et, comme il ne lâchait toujours pas son panier de figues, l’emportant avec lui, le comte s’impatienta.