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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/516

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Il était dix heures, lorsque Pierre et Narcisse, qui avaient dîné au Café de Rome, où ils s’étaient ensuite oubliés dans une longue causerie, descendirent à pied le Corso pour se rendre au palais Buongiovanni. Ils eurent toutes les peines du monde à en gagner la porte. Les voitures arrivaient par files serrées, et la foule des curieux qui stationnaient, débordant, envahissant la chaussée, malgré les agents, devenait si compacte, que les chevaux n’avançaient plus. Dans la longue façade monumentale, les dix hautes fenêtres du premier étage flambaient, une grande clarté blanche, la clarté de plein jour des lampes électriques, qui éclairait, comme d’un coup de soleil, la rue, les équipages embourbés dans le flot humain, la houle des têtes ardentes et passionnées, au milieu de l'extraordinaire tumulte des gestes et des cris.

Et il n’y avait pas là que la curiosité habituelle de regarder passer des uniformes et descendre des femmes en riches toilettes, car Pierre entendit vite que cette foule était venue attendre l’arrivée du roi et de la reine, qui avaient promis de paraître au bal de gala, que le prince Buongiovanni donnait pour fêter les fiançailles de sa fille Celia avec le lieutenant Attilio Sacco, fils d’un des ministres de Sa Majesté. Puis, ce mariage était un ravissement, le dénouement heureux d’une histoire d’amour qui passionnait la ville entière, le coup de foudre, le couple jeune et si beau, la fidélité obstinée, victorieuse des obstacles, et cela dans des conditions