Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/551

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chargés de bougies roses. Les tentures et le meuble étaient de soie bleue très tendre. Et l’impression, en entrant, était d’une douceur, d’un charme sans pareil, comme si l’on était entré chez les fées, reines des sources, au milieu d’un palais d’eaux limpides, illuminé jusqu’aux plus lointaines profondeurs, par des bouquets d’étoiles.

Tout de suite Pierre aperçut monsignore Nani, assis paisiblement sur un canapé bas ; et, comme ce dernier l’avait espéré, il se trouvait absolument seul, le cotillon ayant attiré la foule vers la galerie. Un grand silence régnait, on entendait à peine l’orchestre qui venait mourir là, en un vague petit souffle de flûte.

Le prêtre s’excusa de s’être fait attendre.

— Non, non, mon cher fils, dit monsignor Nani, avec son amabilité, que rien n’épuisait, j’étais fort bien dans cet asile… Quand j’ai vu la foule par trop menaçante, je me suis réfugié ici.

Il ne parla pas de Leurs Majestés, mais il laissait entendre qu’il avait évité leur présence, courtoisement. S’il était venu, c’était par grande tendresse pour Celia ; et c’était aussi dans un but de très délicate diplomatie, pour que le Vatican ne parût pas rompre tout à fait avec les Buongiovanni, cette ancienne famille si fameuse dans les fastes de la papauté. Sans doute le Vatican ne pouvait signer à ce mariage, qui semblait unir la vieille Rome au jeune royaume d’Italie ; mais, cependant, il ne voulait pas non plus avoir l’air de disparaître, de se désintéresser, en abandonnant ses plus fidèles serviteurs.

— Voyons, mon cher fils, reprit le prélat, il s’agit maintenant de vous… Je vous ai dit que, si la congrégation de l’Index avait conclu à la condamnation de votre livre, la sentence ne serait soumise au Saint-Père, et signée par lui, qu’après-demain. Vous avez donc toute une journée encore devant vous.

Pierre ne put s’empêcher de l’interrompre, avec une vivacité douloureuse.