Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/552

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— Hélas ! monseigneur, que voulez-vous que je fasse ? J’ai déjà réfléchi, je ne trouve aucune occasion, aucun moyen de me défendre… Voir Sa Sainteté, et comment, maintenant qu’elle est malade !

— Oh ! malade, malade, murmura Nani de son air fin, Sa Sainteté va beaucoup mieux, puisque j’ai eu, aujourd’hui même, comme tous les mercredis, l’honneur d’être reçu par elle. Quand elle est fatiguée un peu, et qu’on la dit très malade, elle laisse dire : ça la repose et ça lui permet de juger, autour d’elle, certaines ambitions et certaines impatiences.

Mais Pierre était trop bouleversé pour écouter attentivement. Il continua :

— Non, c’est fini, je suis désespéré. Vous m’avez parlé d’un miracle possible, je ne crois guère aux miracles. Puisque je suis battu à Rome, je repartirai, je retournerai à Paris, où je continuerai la lutte… Oui ! mon âme ne peut se résigner, mon espoir du salut par l’amour ne peut mourir, et je répondrai par un nouveau livre, et je dirai dans quelle terre neuve doit pousser la religion nouvelle !

Il y eut un silence. Nani le regardait de ses yeux clairs, où l’intelligence avait la netteté et le tranchant de l’acier. Dans le grand calme, dans l’air lourd et chaud du petit salon, dont les glaces reflétaient les bougies sans nombre, un éclat plus sonore de l’orchestre entra, déroula un lent bercement de valse, puis mourut.

— Mon cher fils, la colère est mauvaise… Vous rappelez-vous que, dès votre arrivée, je vous ai promis, lorsque vous auriez vainement tâché d’être reçu par le Saint-Père, de faire à mon tour une tentative ?

Et, voyant le jeune prêtre s’agiter :

— Écoutez-moi, ne vous excitez pas… Sa Sainteté, hélas ! n’est pas toujours conseillée prudemment. Elle a autour d’elle des personnes dont le dévouement manque parfois de l’intelligence désirable. Je vous l’ai déjà dit, je