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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/553

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vous ai mis en garde contre les démarches inconsidérées… C’est pourquoi j’ai tenu, il y a trois semaines déjà, à remettre moi-même votre livre à Sa Sainteté, pour qu’elle daignât y jeter les yeux. Je me doutais bien qu’on l’avait empêché d’arriver jusqu’à elle… Et voilà ce que j’étais chargé de vous dire : Sa Sainteté, qui a eu l’extrême bonté de lire votre livre, désire formellement vous voir. »

Un cri de joie et de remerciement jaillit de la gorge de Pierre.

— Ah ! monseigneur, ah ! monseigneur !

Mais Nani le fit taire vivement, regarda autour d’eux, d’un air d’inquiétude extrême, comme s’il eût redouté qu’on pût les entendre.

— Chut ! chut ! c’est un secret, Sa Sainteté désire vous recevoir tout à fait en particulier, sans mettre personne dans la confidence… Écoutez bien. Il est deux heures du matin, n’est-ce pas ? Aujourd’hui même, à neuf heures précises du soir, vous vous présenterez au Vatican, en demandant à toutes les portes monsieur Squadra. Partout, on vous laissera passer. En haut, monsieur Squadra vous attendra et vous introduira… Et pas un mot, que pas une âme ne se doute de ces choses !

Le bonheur, la reconnaissance de Pierre débordèrent enfin. Il avait saisi les deux mains douces et grasses du prélat.

— Ah ! monseigneur, comment vous exprimer toute ma gratitude ? Si vous saviez, la nuit et la révolte étaient dans mon âme, depuis que je me sentais le jouet de ces Éminences puissantes qui se moquaient de moi !… Mais vous me sauvez, je suis de nouveau sûr de vaincre, puisque je vais pouvoir enfin me jeter aux pieds de Sa Sainteté, le Père de toute vérité et de toute justice. Il ne peut que m’absoudre, moi qui l’aime, qui l’admire, qui suis convaincu de n’avoir lutté jamais que pour sa politique et ses idées les plus chères… Non, non ! c’est impossible, il ne signera pas, il ne condamnera pas mon livre !