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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/559

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Pierre, lorsqu’il s’éveilla, fut tout surpris d’entendre sonner onze heures. Dans la fatigue de ce bal, où il était resté si tard, il avait dormi d’un sommeil d’enfant, d’une paix délicieuse, comme s’il avait, en dormant, senti son bonheur. Et, dès qu’il eut ouvert les yeux, le radieux soleil qui entrait par les fenêtres, le baigna d’espoir. Sa première pensée fut que, le soir enfin, il verrait le pape, à neuf heures. Encore dix heures, qu’allait-il faire, pendant cette journée bénie, dont le ciel splendide et pur lui semblait d’un si heureux présage ?

Il se leva, ouvrit les fenêtres, laissa entrer la tiédeur de l’air, qui lui sembla avoir ce goût de fruit et de fleur, remarqué dès le jour de son arrivée, dont il avait plus tard essayé vainement d’analyser la nature, un goût d’orange et de rose. Était-ce possible qu’on fût en décembre ? Quel pays adorable, pour qu’avril parût y refleurir, au seuil même de l’hiver ! Puis, sa toilette faite, comme il s’accoudait, pour regarder au-delà du Tibre, couleur d’or, les pentes du Janicule, vertes en toute saison, il aperçut Benedetta assise près de la fontaine, dans le petit jardin abandonné du palais. Et il descendit, ne pouvant tenir en place, cédant à un besoin de vie, de gaieté et de beauté.

Tout de suite, Benedetta poussa le cri qu’il attendait d’elle, rayonnante, resplendissante, les deux mains tendues.