Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/590

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les péchés commis par les cinq sens, ces cinq portes de l’éternelle tentation couvertes sur l’âme ! Mais c’était encore avec l’espoir que, si Dieu avait frappé le pauvre être pour ses fautes, peut-être aurait-il l’indulgence entière de le rendre même à la vie, dès qu’il les aurait pardonnées. La vie, ô Seigneur ! la vie, pour que cette antique lignée des Boccanera pullule encore, continue à vous servir au travers des âges, dans les combats et devant les autels !

Un instant, le cardinal resta les mains frémissantes, regardant la face muette, les yeux fermés du moribond, attendant le miracle. Rien ne se produisait, pas une clarté n’avait lui. Don Vigilio venait d’essuyer la bouche avec un petit flocon d’ouate, sans qu’un soupir de soulagement sortît des lèvres. Et l’oraison dernière fut dite, l’officiant retourna dans la chapelle, suivi de l’assistant, au milieu de l’effrayant silence qui retombait. Et là tous deux s’agenouillèrent, le cardinal s’abîma dans une prière brûlante, sur le carreau nu. Les yeux levés vers le crucifix de cuivre, il ne vit plus rien, il n’entendit plus rien, il se donna tout entier, suppliant Jésus de le prendre à la place de son neveu, s’il fallait un holocauste, ne désespérant toujours pas de fléchir la colère céleste, tant que Dario aurait un souffle de vie, et tant que lui-même serait ainsi à genoux, en conversation avec Dieu. Il était à la fois si humble et si souverain ! De Dieu à un Boccanera, l’entente n’allait-elle donc pas se faire ? Le vieux palais pouvait crouler, il n’aurait pas senti la chute des poutres.

Dans la chambre, cependant, rien n’avait bougé encore, sous le poids de cette majesté tragique que la cérémonie semblait y avoir laissée. Et ce fut alors seulement que Dario ouvrit les paupières. Il regarda ses mains, il les vit si vieillies, si réduites, qu’un immense regret de l’existence se peignit au fond de ses yeux. Sans doute, à ce moment de lucidité, au milieu de cette sorte de griserie du poison