Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/644

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restera victorieuse, lorsque les temps seront accomplis. Ce sont là pourtant des certitudes bien simples, ce que savent les petits enfants et ce qui suffirait à la paix, au salut des hommes, s’ils voulaient s’en contenter… Et soyez convaincu, mon fils, que la foi n’est pas incompatible avec la raison. Saint Thomas n’est-il pas là, qui a tout prévu, tout expliqué, tout réglé ? Votre foi a été ébranlée sous les assauts de l’esprit d’examen, vous avez connu des troubles, des angoisses, que le ciel veut bien épargner à nos prêtres, sur cette terre d’antique croyance, cette Rome sanctifiée par le sang de tant de martyrs. Mais nous ne craignons pas l’esprit d’examen, étudiez davantage, lisez à fond saint Thomas, et votre foi reviendra, plus solide, définitive et triomphante.

Effaré, Pierre recevait ces choses, comme si des morceaux de la voûte du firmament lui fussent tombés sur le crâne. O Dieu de vérité ! les miracles de Lourdes prouvés scientifiquement, la science servante de Dieu, la foi compatible avec la raison, saint Thomas suffisant à la certitude du siècle ! Comment répondre, ô Dieu ! et pourquoi répondre ?

— Le plus coupable et le plus dangereux des livres, finit par conclure Léon XIII, un livre dont le titre, la Rome nouvelle, est à lui seul un mensonge et un poison, un livre d’autant plus condamnable qu’il a toutes les séductions du style, toutes les perversions des chimères généreuses, un livre enfin qu’un prêtre, s’il l’a conçu dans une heure d’égarement, doit brûler en public, par pénitence, de la main même qui en a écrit les pages d’erreur et de scandale.

Brusquement, Pierre se leva, tout debout. Et, dans le silence énorme qui s’était fait, autour de cette chambre morte, si pâlement éclairée, il n’y avait que la Rome du dehors, la Rome nocturne, noyée de ténèbres, immense et noire, semée seulement d’une poussière d’astres. Et il allait crier :