candidat, tué sous les histoires dont bourdonnait Rome entière ; et, si Sanguinetti pouvait se croire enfin débarrassé d’un rival, il n’avait pas vu qu’il se frappait lui-même, qu’il tuait également sa candidature, en la brûlant dans une telle passion du pouvoir, si peu scrupuleuse des moyens, menaçante pour tous. Monsignor Nani en était visiblement enchanté : ni l’un ni l’autre, la place nette, l’histoire de ces deux loups légendaires qui s’étaient battus et mangés, sans qu’on retrouvât rien, pas même les deux queues. Et, au fond de ses yeux pâles, en toute sa personne discrète, il n’y avait plus qu’un inconnu redoutable, le candidat choisi définitivement, patronné par la toute-puissante armée dont il était un des chefs les plus adroits. Un tel homme ne se désintéressait jamais, avait toujours la solution prête. Qui donc, qui donc allait être le pape de demain ?
Il s’était levé, il prenait cordialement congé du jeune prêtre :
— Mon cher fils, je doute de vous revoir, je vous souhaite un bon voyage…
Pourtant, il ne s’éloignait pas, il continuait à regarder Pierre de son air de pénétration vive ; et il le fit se rasseoir, il reprit lui-même un siège.
— Dites, vous irez sûrement, dès votre retour en France, saluer le cardinal Bergerot… Veuillez donc me rappeler respectueusement à son souvenir. Je l’ai connu un peu, lors de son voyage ici, pour le chapeau. C’est une des plus grandes lumières du clergé français… Ah ! si une telle intelligence voulait travailler à la bonne entente dans notre sainte Église ! Malheureusement, je crains bien qu’il n’ait des préventions de race et de milieu, il ne nous aide pas toujours.
Surpris de l’entendre parler ainsi du cardinal pour la première fois, à cette minute dernière, Pierre l’écoutait avec curiosité. Puis il ne se gêna plus, il répondit en toute franchise :