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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/678

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— Oui, Son Éminence a des idées très arrêtées sur notre vieille Église de France. Ainsi, il professe une véritable horreur des Jésuites…

D’une légère exclamation, monsignor Nani l’arrêta. Et il avait un air le plus sincèrement étonné, le plus franc qu’on pût voir.

— Comment, l’horreur des Jésuites ? En quoi les Jésuites peuvent-ils l’inquiéter ? Il n’y en a plus, c’est de l’histoire finie, les Jésuites ! Est-ce que vous en avez vu à Rome ? Est-ce qu’ils vous ont gêné en rien, ces pauvres Jésuites, qui n’y possèdent même plus une pierre pour reposer leur tête ?… Non, non, qu'on n’agite pas davantage cet épouvantail, c’est enfantin !

Pierre le regardait à son tour, émerveillé de son aisance, de son audace tranquille, sur ce sujet brûlant. Il ne détournait pas les yeux, laissait sa face ouverte, comme un livre de vérité.

— Ah ! si par Jésuites vous entendez les prêtres sages, qui, au lieu d’engager avec les sociétés modernes des luttes stériles, dangereuses, s’efforcent de les ramener humainement à l’Église, mon Dieu ! nous sommes tous plus ou moins des Jésuites, car il serait fou de ne pas tenir compte de l’époque où l’on vit… Oh ! d’ailleurs, je ne m’arrête pas aux mots, peu m’importe ! Des Jésuites, oui ! si vous voulez, des Jésuites !

Il souriait de nouveau, de son joli sourire si fin, ou il y avait tant de moquerie et tant d’intelligence.

— Eh bien ! quand vous verrez le cardinal Bergerot, dites-lui qu’il est déraisonnable, en France, de traquer les Jésuites, de les traiter en ennemis de la nation. C’est tout le contraire qui est la vérité, les Jésuites sont pour la France, parce qu’ils sont pour la richesse, pour la force et le courage. La France est la seule grande nation catholique restée debout, souveraine encore, la seule sur laquelle la papauté puisse un jour s’appuyer solidement. Aussi, le Saint-Père, après avoir rêvé un instant d’obtenir