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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/716

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quoi bon parler des laids visages ? Nous autres, nous n’aimons au théâtre que la jolie musique, la jolie danse, les jolies pièces qui font plaisir. Le reste, tout ce qui est désagréable, ah ! grand Dieu, cachons-le !

— Mais, continua le prêtre, je confesse volontiers tout de suite la capitale erreur de mon livre. Cette Rome italienne que j’avais négligée, pour la sacrifier à la Rome papale, dont je rêvais le réveil, elle existe, et si puissante, si triomphante déjà, que c’est sûrement l’autre qui est fatalement destinée à disparaître avec le temps. Comme je l’ai observé, le pape a beau s’entêter à être immuable, dans son Vatican, de plus en plus lézardé, menaçant ruine, tout évolue autour de lui, le monde noir est déjà devenu le monde gris, en se mélangeant au monde blanc. Et jamais je n’ai mieux senti cela qu’à la fête donnée par le prince Buongiovanni, pour les fiançailles de sa fille avec votre petit-neveu. J’en suis sorti absolument enchanté, gagné à votre cause de résurrection.

Les yeux du vieillard étincelèrent.

— Ah ! vous y étiez ! N’est-ce pas que vous avez eu là un spectacle inoubliable et que vous ne doutez plus de notre vitalité, du peuple que nous devons être, quand les difficultés d’aujourd’hui seront vaincues ? Qu’importe un quart de siècle, qu’importe un siècle ! L’Italie renaîtra dans sa gloire ancienne, dès que le grand peuple de demain aura poussé de terre !… Et c’est bien vrai que j’exècre ce Sacco, parce qu’il incarne pour moi les intrigants, les jouisseurs dont les appétits ont tout retardé, en se ruant à la curée de notre conquête, qui nous avait coûté tant de sang et tant de larmes. Mais je revis dans mon bien-aimé Attilio, cette vraie chair de ma chair, si tendre et si vaillant, qui va être l’avenir, la génération de braves gens dont la venue instruira et purifiera le pays… Ah ! que le grand peuple de demain naisse donc de lui et de cette Celia, l’adorable petite princesse, que Stefana, ma nièce, une femme de raison au fond, m’a amenée