Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/731

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Vainement, Pierre tenta de retenir Narcisse à souper avec lui. Le jeune homme donna sa parole d’honneur qu’il était attendu. Même il s’était mis en retard. Et il se sauva, après avoir serré les deux mains du prêtre, en lui souhaitant affectueusement un bon voyage.

Huit heures sonnaient. Dès qu’il fut seul, Pierre s’assit devant la petite table, et Victorine resta là, à le servir, après avoir renvoyé Giacomo, qui avait monté la vaisselle et les plats, dans un panier.

— Ils me font bouillir, les gens d’ici, avec leur lenteur, dit-elle. Et puis, monsieur l’abbé, c’est un plaisir pour moi que de vous servir votre dernier repas. Vous voyez, je vous ai fait faire un petit dîner à la française, une sole au gratin et un poulet rôti.

Il fut touché de son attention, heureux d’avoir pour compagne cette compatriote, pendant qu’il mangeait, au milieu de l’énorme silence du vieux palais noir et désert. Elle avait encore sur elle, en toute sa personne grasse et ronde, la tristesse de son deuil, la perte douloureuse de sa chère contessina. Mais, déjà, sa besogne quotidienne qui l’avait reprise, son servage accepté la redressait, lui rendait son activité alerte, dans son humilité de pauvre fille, résignée aux pires catastrophes de ce monde. Et elle causait presque gaiement, tout en lui passant les plats.

— Dire, monsieur l’abbé, qu’après-demain matin vous serez à Paris ! Moi, vous savez, il me semble que j’ai quitté Auneau hier. Ah ! c’est la terre qui est belle par là, une terre grasse, jaune comme de l’or, oui ! pas de leur terre maigre d’ici, qui sent le soufre. Et les saules si frais, si gentils, au bord de notre ruisseau ! et le petit bois où il y a tant de mousse ! Ils n’en ont pas, ils n’ont que des arbres en fer-blanc, sous leur bête de soleil qui rôtit les herbes. Mon Dieu ! dans les premiers temps, j’aurais donné je ne sais quoi pour une bonne pluie qui me trempât, me nettoyât de leur sale poussière. Aujourd’hui