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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/732

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encore, le cœur me bat, dès que je songe aux jolies matinées de chez nous, quand il a plu la veille et que toute la campagne est si douce, si agréable, comme si elle se mettait à rire après avoir pleuré… Non, non ! jamais je ne m’y ferai, à leur satanée Rome ! Quelles gens, quel pays !

Il s’égayait de son obstination fidèle à son terroir, qui, après vingt-cinq ans de séjour, la laissait impénétrable, étrangère, ayant l’horreur de cette ville de lumière dure et de végétation noire, en fille d’une aimable contrée tempérée, souriante, baignée au matin de brumes roses. Lui-même ne pouvait se dire, sans une émotion vive, qu’il allait retrouver les bords attendris et délicieux de la Seine.

— Mais, demanda-t-il, maintenant que votre jeune maîtresse n’est plus, qui vous retient ici, pourquoi ne prenez-vous pas le train avec moi ?

Elle le regarda, pleine de surprise.

— Moi, m’en aller avec vous, retourner là-haut !… Oh ! non, monsieur l’abbé, c’est impossible. Ce serait trop d’ingratitude d’abord, parce que donna Serafina est habituée à moi et que j’agirais très mal en les abandonnant, elle et Son Éminence, quand ils sont dans la peine. Et puis, que voulez-vous que je fasse ailleurs ? Moi, maintenant, mon trou est ici.

— Alors, vous ne verrez plus Auneau, jamais !

— Non, jamais, c’est certain.

— Et ça ne vous fera rien d’être enterrée ici, de dormir dans cette terre qui sent le soufre ?

Elle se mit à rire franchement.

— Oh ! quand je serai morte, ça m’est égal d’être n’importe où !… On est bien partout pour dormir, allez, monsieur l’abbé ! Et c’est drôle que ça vous inquiète tant, ce qu’il y a quand on est mort. Il n’y a rien, pardi ! Ce qui me rassure, ce qui m’amuse, moi, c’est de me dire que ce sera fini pour toujours et que je me reposerai. Le bon