timents tout faits, des situations clichées ; elles descendent souvent jusqu’aux indécences, mais elles ne montent jamais jusqu’aux réalités.
Lisez l’Histoire de la littérature anglaise de M. Taine, et vous verrez ce qu’on peut oser sur la scène chez un peuple auquel son tempérament permet d’assister au spectacle réel de nos passions. Vycherley et Swift n’auraient pas hésité à mettre Germinie au théâtre. Nous autres, nous préférons les vaudevillistes gais ou funèbres : Scribe sera toujours le maître de la scène française.
Ah ! monsieur, si le théâtre se meurt, laissez vivre le roman. Ne mettez pas le romancier sous le joug du public. Accordez lui le droit de fouiller l’humanité à son aise, et ne déclarez pas ses créations monstrueuses, parce que des spectateurs, qui ont lu les Mémoires d’une femme de chambre, se prétendent révoltés par le spectacle d’une vérité humaine qui passe.
Vous ne comprenez que le nu de mademoiselle***. C’est plastique, dites-vous. Les charmes de mademoiselle*** n’avaient pas besoin de cette réclame, je crois ; mais je suis heureux de savoir comment vous comprenez la chair.
Ainsi, monsieur, il ne vous déplairait pas trop que Germinie Lacerteux fût en maillot, pourvu qu’elle eût les jambes bien faites. Je commence à soupçonner ce qu’il vous faut : une peau soyeuse, des contours fermes et arrondis, une gaze transparente voilant à peine des trésors de volupté.
Le malheur est que Germinie n’est pas en maillot, la pauvre fille ; il n’est même pas certain qu’elle ait les jambes bien faites. Puis elle sent le graillon ; elle ne vaut pas mademoiselle***, en un mot. C’est une misérable proie pour le plaisir, tel que vous paraissez l’entendre. Elle a encore un défaut immense : c’est qu’elle ne s’est pas vendue dès l’âge de seize ans ; elle a grandi dans des pensées d’honneur, dans des répugnances invincibles pour le vice, et elle n’a roulé au fond de l’égout que poussée par les faits, poussée par ses nerfs et son sang. Que voulez-vous ? Germinie n’est pas une courtisane ; Germinie est une malheureuse que les fatalités de son tempérament ont jetée à la honte. Toutes les femmes ne sont pas « plastiques ».