Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/171

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VIII

La nuit était d’un noir d’encre. Il faisait un froid humide, sale. Le vent, qui s’était élevé, poussait par ondées des flots de pluie ; au loin, dans l’obscurité sinistre, il se plaignait lugubrement en secouant les arbres du parc, et ces plaintes ressemblaient à des lamentations de voix humaines, aux râles d’une foule agonisante. La terre détrempée, couverte de flaques d’eau, mollissait sous les pas comme un tapis d’immonde pourriture.

Guillaume et Madeleine, se serrant l’un près de l’autre, avançant contre le vent qui leur soufflait au visage son haleine glacée, glissaient au milieu des mares, tombaient dans les trous. Quand ils furent sortis du parc, ils tournèrent instinctivement la tête, ils regardèrent tous deux du côté de la Noiraude ; une même pensée les poussait à s’assurer si Jacques dormait, si les fenêtres de la chambre bleue n’étaient pas éclairées. Ils ne virent que les ténèbres, que la masse noire et opaque de la nuit ; la Noiraude paraissait avoir été emportée derrière eux par l’ouragan. Alors, ils se mirent à marcher, péniblement, en silence. Ils ne distinguaient pas le sol, ils entraient dans les terres où ils enfonçaient jusqu’à la cheville. Le chemin de la petite maison leur était bien connu, mais l’obscurité