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Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/275

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Madeleine apercevait Vert-de-Gris, des fenêtres du rez-de-chaussée, elle éprouvait un frisson de répugnance ; c’était comme sa vie passée qui maintenant rôdait autour d’elle. Cette femme en haillons, courant derrière la grille et collant sa face aux barreaux, lui faisait l’effet d’un animal immonde qui aurait cherché à briser sa cage pour l’approcher et la salir de sa bave. Un instant, elle eut l’envie de demander qu’on chassât la folle de la contrée ; mais elle craignit un scandale, elle préféra se condamner à ne plus sortir, à ne plus même se mettre aux fenêtres.

Quand les époux se trouvèrent ainsi acculés dans la Noiraude, ils songèrent à s’enfuir à Paris. Ils y seraient à l’abri des chansons de Louise, des cantiques de Geneviève, des regards graves de leur fille. Les deux mois d’angoisse qu’ils venaient de passer, leur avaient rendu leur solitude intolérable. Puisque Jacques leur laissait encore trois à quatre semaines de paix, ils voulaient les employer à s’étourdir, à chercher quelque chance heureuse. Dès que Lucie fut rétablie, vers le milieu de mars, ils partirent.