Aller au contenu

Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Et que veux-tu que je fasse sans toi ! cria-t-il. Toi morte, je n’ai qu’à mourir. Je veux me punir d’ailleurs, me punir de ma faiblesse qui n’a pas su te sauver. Tu n’es pas la seule coupable… Tu le sais, Madeleine, je suis un enfant nerveux que tu dois emporter dans tes bras, si tu ne veux le laisser à de lâches abandons.

Madeleine sentit la vérité de ces paroles. Mais l’idée de frapper une fois de plus son mari, en se frappant elle-même, lui était insupportable. Elle ne répondit pas, espérant que l’exaltation du jeune homme allait se calmer et qu’elle le plierait ensuite à ses volontés. Celui-ci, maintenant, ne se montrait plus résigné ; il se débattait contre le projet de suicide.

— Cherchons, cherchons encore, balbutia-t-il. Attendons, par pitié.

— Attendons quoi, et combien de temps ? dit Madeleine avec âpreté. Tout n’est-il pas fini ? tu en convenais tout à l’heure. Crois-tu donc que je ne lise pas dans tes yeux ? Ose donc dire que ma mort ne t’est pas nécessaire.

— Cherchons, cherchons un autre moyen, répéta-t-il fiévreusement.

— Pourquoi tes lèvres prononcent-elles ces mots vides ? Il est inutile de chercher, nous ne trouverions pas de guérison. Et tu sais cela, tu parles pour étourdir tes pensées qui te crient la vérité.

Guillaume se tordait les mains.

— Non, jamais ! s’écria-t-il. Tu ne peux mourir ainsi, je t’aime, je ne te laisserai pas accomplir ce suicide devant moi.

— Ce n’est pas un suicide, répondit gravement la jeune femme, c’est une exécution. Je me suis jugée et je me suis condamnée. Laisse-moi me faire justice.

Elle voyait que son mari s’affaissait, elle continua d’un ton rude de domination.

— Je me serais tuée rue de Boulogne, ce matin, comme j’en ai eu un instant l’envie, si j’avais su te trouver si