Aller au contenu

Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
MADELEINE FÉRAT

nuit. Les voyages qu’il fit ainsi à Véteuil, resserrèrent encore l’amitié des deux jeunes gens. D’ailleurs, ils s’écrivaient de longues lettres. Peu à peu, cependant, les lettres de Jacques devinrent plus rares ; la troisième année, il ne donna pas de signe de vie. Guillaume fut très attristé de ce silence.

Il savait, par l’oncle de l’étudiant, que celui-ci devait quitter la France, et il aurait bien voulu lui serrer la main avant son départ. Il commençait à s’ennuyer mortellement à la Noiraude. Son père apprit la cause de ses allures lentes et désolées ; il lui dit un soir en sortant de table :

— Je sais que vous désirez aller à Paris. Je vous autorise à y vivre un an, et je compte que vous y commettrez quelque sottise. Je vous ouvre un crédit illimité… Vous pouvez partir demain.

Le lendemain, Guillaume, en arrivant à Paris, apprit que Jacques s’en était éloigné la veille. Il lui avait écrit à Véteuil une lettre d’adieu que Geneviève lui renvoya. Dans cette lettre, très-gaie et très-affectueuse, son ami lui apprenait qu’on l’avait attaché comme chirurgien à notre corps d’expédition de la Cochinchine, et qu’il resterait sans doute longtemps hors de France. Guillaume revint immédiatement à la Noiraude, affligé de ce départ brusque et épouvanté par la pensée de se trouver seul dans une ville inconnue. Il se replongea au fond de sa chère solitude. Mais, deux mois plus tard, son père l’en tira de nouveau en lui ordonnant de retourner à Paris, où il entendait qu’il vécût pendant un an.

Guillaume alla habiter, rue de l’Est, à l’hôtel où demeurait déjà Madeleine.