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Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/73

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IV

Lorsque Madeleine rencontra Guillaume, elle songeait à quitter l’hôtel et à chercher un petit logement qu’elle meublerait. Dans cette maison ouverte à tout venant, peuplée d’étudiants et de filles, elle n’était point assez chez elle, elle se trouvait exposée à recevoir des déclarations brutales qui lui rappelaient cruellement son abandon. Quand elle aurait déménagé, elle comptait travailler, utiliser son talent de brodeuse. D’ailleurs, ses deux mille francs de rente suffisaient à ses besoins. L’avenir l’inquiétait vaguement ; elle sentait que la solitude à laquelle elle voulait se condamner, serait pleine de périls. Bien qu’elle se fût juré d’être forte, elle passait des journées si vides, si tristes, que, certains soirs, elle surprenait, au fond de son accablement, des pensées indignes de faiblesse.

Le soir de l’arrivée de Guillaume, elle le vit dans l’escalier. Il se rangea contre le mur d’un air si respectueux, qu’elle fut comme confuse et étonnée de son attitude. D’ordinaire, les locataires de l’hôtel lui marchaient presque sur les pieds, en lui jetant des bouffées de tabac au visage. Le jeune homme entra dans une chambre qui touchait la sienne ; une mince cloison séparait les deux