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MADELEINE FÉRAT

Il agit comme s’il était sur le point de se marier. Le banquier chez lequel son père lui avait ouvert un crédit illimité, lui indiqua sur sa demande un pavillon solitaire, qui était à vendre, rue de Boulogne. Guillaume courut visiter l’immeuble et l’acheta séance tenante. Il y mit sur-le-champ les tapissiers, le meubla en quelques jours. Tout cela fut l’affaire d’une semaine au plus. Un soir, il prit les mains de Madeleine, en lui demandant si elle voulait être sa femme.

Depuis la nuit passée au restaurant du bois de Verrières, il venait la voir chaque après-midi, comme un fiancé qui fait sa cour ; puis il se retirait discrètement. Sa demande toucha la jeune femme qui lui répondit en se jetant à son cou. Ils entrèrent dans le pavillon de la rue de Boulogne, ainsi que deux nouveaux mariés, au soir des noces. Ce fut réellement là qu’eut lieu leur nuit de mariage. Ils paraissaient avoir oublié le hasard qui les avait, un soir, jetés brusquement dans les bras l’un de l’autre ; ils semblaient croire qu’il leur était permis d’échanger des baisers pour la première fois. Nuit douce et heureuse où les amants purent s’imaginer que le passé était mort à jamais et que leur union avait la pureté et la force d’un lien éternel.

Ils vécurent là pendant six mois, séparés du monde, sortant à peine. Ce fut un véritable rêve de bonheur. Endormis dans leur tendresse, ils ne se souvenaient plus des faits qui avaient précédé leurs amours, ils ne s’inquiétaient pas des événements que pouvait garder l’avenir. Ils étaient plus loin et plus haut, dans un contentement complet de cœur, dans une paix de félicité que rien ne troublait. Le pavillon, avec ses chambres étroites garnies de tapis et tendues d’étoffes claires, leur offrait une adorable retraite, close, silencieuse, souriante. Et il y avait encore le jardin, un carré de terre grand comme la main, où ils s’oubliaient, malgré le froid, à causer pendant les belles après-midi d’hiver.

Madeleine croyait être née de la veille. Elle ne savait