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MADELEINE FÉRAT

pas si elle aimait Guillaume ; elle savait seulement qu’il lui venait une grande douceur de cet homme, et qu’il était bon de sommeiller dans cette douceur. Toutes ses blessures s’étaient fermées ; elle n’éprouvait plus ces secousses ni ces brûlures ardentes qui lui avaient déchiré la poitrine ; elle avait chaud, d’une chaleur tiède et égale qui reposait son cœur. Jamais elle ne s’interrogeait. Comme un malade qui sort brisé d’une fièvre aiguë, elle s’abandonnait à la langueur voluptueuse de sa convalescence, en remerciant du fond de l’âme celui qui venait de la tirer de ses angoisses. Ce qui la touchait le plus, ce n’étaient pas les étreintes folles du jeune homme ; ses sens se taisaient d’ordinaire, il y avait dans ses baisers plus de maternité que de passion. C’était l’estime profonde qu’il lui témoignait, la dignité avec laquelle il la traitait, en femme légitime. Cela la relevait à ses propres yeux, elle pouvait croire qu’elle avait passé des bras de sa mère aux bras d’un époux. Ce rêve que sa honte faisait, flattait son orgueil, la caressait dans toutes les pudeurs de son être. Il lui était ainsi permis d’être fière, et elle puisait surtout ses nouvelles tendresses, son calme et ses espoirs souriants, dans l’oubli complet des plaies qui ne saignaient plus en elle.

Guillaume vivait au ciel. Enfin, sa chère rêverie d’enfant et d’adolescent se réalisait. Quand il était au collége, meurtri de coups par ses camarades, il avait rêvé une solitude heureuse, un coin perdu et caché au fond duquel il passerait de longues journées oisives, sans jamais être battu, caressé au contraire par quelque bonne et douce fée qui resterait toujours près de lui ; et plus tard, à dix-huit ans, lorsque des désirs vagues commençaient à battre dans ses veines, il avait repris ce songe sous les arbres du parc, aux bords des eaux claires, remplaçant la fée par une amoureuse, courant les taillis, avec l’espoir de rencontrer sa chère tendresse à chaque détour des sentiers. Aujourd’hui, Madeleine était la bonne et douce fée, l’amoureuse qu’il cherchait. Il la possédait