Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/189

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quelques minutes dans une grande rue déserte, qui tournait autour du cimetière. J’ignorais complètement où j’étais ; mais je me répétais avec l’entêtement de l’idée fixe, que j’allais rentrer dans Paris et que je saurais bien trouver la rue Dauphine. Des gens passèrent, je ne les questionnai même pas, saisi de méfiance, ne voulant me confier à personne. Aujourd’hui, j’ai conscience qu’une grosse fièvre me secouait déjà et que ma tête se perdait. Enfin, comme je débouchais sur une grande voie, un éblouissement me prit, et je tombai lourdement sur le trottoir.

Ici, il y a un trou dans ma vie. Pendant trois semaines, je demeurai sans connaissance. Quand je m’éveillai enfin, je me trouvais dans une chambre inconnue. Un homme était là, à me soigner. Il me raconta simplement que, m’ayant ramassé un matin, sur le boulevard Montparnasse, il m’avait gardé chez lui. C’était un vieux docteur qui n’exerçait plus. Lorsque je le remerciais, il me répondait avec brusquerie que mon cas lui avait paru curieux et qu’il avait voulu l’étudier. D’ailleurs, dans les premiers jours de ma convalescence, il ne me permit de lui adresser aucune question. Plus tard, il ne m’en fit aucune. Durant huit jours encore, je gardai le