Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/193

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le défunt ne valait pas M. Simoneau… Il ne me revenait guère, ce gringalet. Toujours à geindre ! Et pas le sou ! Ah ! non, vrai ! un mari comme ça, c’est désagréable pour une femme qui a du sang… Tandis que monsieur Simoneau, un homme riche, fort comme un Turc…

— Oh ! interrompit Dédé, moi, je l’ai vu, un jour qu’il se débarbouillait. Il en a, du poil sur les bras !

— Veux-tu t’en aller ! cria la vieille en la bousculant. Tu fourres toujours ton nez où il ne doit pas être.

Puis, pour conclure :

— Tenez ! l’autre a bien fait de mourir. C’est une fière chance.

Quand je me retrouvai dans la rue, je marchai lentement, les jambes cassées. Pourtant je ne souffrais pas trop. J’eus même un sourire, en apercevant mon ombre au soleil. En effet, j’étais bien chétif, j’avais eu une singulière idée d’épouser Marguerite. Et je me rappelais ses ennuis à Guérande, ses impatiences, sa vie morne et fatiguée. La chère femme se montrait bonne. Mais je n’avais jamais été son amant, c’était un frère qu’elle venait de pleurer. Pourquoi aurais-je de nouveau dérangé sa vie ! un mort n’est pas jaloux.