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Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/202

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féline de sa nuque me causait une émotion. Au Boquet, dans les sourdes impatiences de ma solitude, j’avais rêvé une maîtresse blonde ; mais elle était lente, avec un visage noble, et la mine de souris, les petits cheveux frisés de Berthe dérangeaient mon rêve. Puis, comme on servait déjà les légumes, j’ai glissé à une histoire folle, dont j’arrangeais les détails au fur et à mesure : nous étions seuls, elle et moi ; je la baisais par-derrière sur le cou, et elle se retournait en souriant ; alors, nous partions ensemble pour un pays très lointain. On passait le dessert. À ce moment, elle s’est serrée contre moi, elle m’a dit à voix basse :

— Donnez-moi donc cette assiette de bonbons, là, devant vous.

Il m’a semblé que ses yeux avaient une douceur de caresse, et la légère pression de son bras nu sur la manche de mon habit me chauffait délicieusement.

— J’adore les sucreries, et vous ? a-t-elle repris, en croquant un fruit glacé.

Ces simples mots m’ont remué, au point que je me suis cru amoureux. Comme je levais la tête, j’ai aperçu Gaucheraud, qui me regardait causer bas avec sa femme : il avait sa mine gaie,