Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/255

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Comme je suis très honnête, je paie mes dettes… Tenez, voici votre nomination de secrétaire d’ambassade. Je l’ai reçue hier soir.

Et, voyant que j’hésitais à prendre l’enveloppe qu’elle me tendait :

— Mais, s’est-elle écriée avec une pointe d’ironie, il me semble qu’à présent vous pouvez bien être l’obligé de mon mari.

Tel a été le dénouement de ma première aventure. Lorsque nous sommes sortis du berceau, Félix se trouvait sur la terrasse, avec Gaucheraud et Berthe. Il a pincé les lèvres, en me voyant venir, ma nomination à la main. Sans doute il était au courant de tout, et il se moquait de moi. Je l’ai pris à l’écart pour lui reprocher amèrement de m’avoir laissé commettre une pareille faute ; mais il m’a répondu que l’expérience seule formait la jeunesse ; et, comme je lui désignais d’un signe Berthe qui marchait devant nous, l’interrogeant aussi sur celle-là, il a eu un haussement d’épaules, d’une signification fort claire. Les choses étant ainsi, je dois avouer que, malgré tout, je ne comprends pas encore très bien l’étrange morale du monde, où les femmes les plus honnêtes montrent des complaisances singulières.