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Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/27

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une étroite plage de cailloux. Derrière, il y avait un vaste clos, des terres maigres où quelques vignes, des amandiers et des oliviers consentaient seuls à pousser. Mais un des inconvénients, un des dangers de la Blancarde était que la mer ébranlait continuellement la falaise ; des infiltrations, provenant de sources voisines, se produisaient dans cette masse amollie de terre glaise et de roches ; et il arrivait, à chaque saison, que des blocs énormes se détachaient pour tomber dans l’eau avec un bruit épouvantable. Peu à peu, la propriété s’échancrait. Des pins avaient déjà été engloutis.

Depuis quarante ans, les Micoulin étaient mégers à la Blancarde. Selon l’usage provençal, ils cultivaient le bien et partageaient les récoltes avec le propriétaire. Ces récoltes étant pauvres, ils seraient morts de famine, s’ils n’avaient pas pêché un peu de poisson l’été. Entre un labourage et un ensemencement, ils donnaient un coup de filet. La famille était composée du père Micoulin, un dur vieillard à la face noire et creusée, devant lequel toute la maison tremblait ; de la mère Micoulin, une grande femme abêtie par le travail de la terre au plein soleil ; d’un fils qui servait pour le moment sur l’Arrogante, et