Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/278

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— Oui, madame, répondit-il. Je ne suis jamais allé qu’une fois à Nantes.

Il donna des détails sur son éducation. Il avait grandi auprès de sa mère, qui était d’une dévotion étroite, et qui gardait intactes les traditions de l’ancienne noblesse. Son précepteur, un prêtre, lui avait appris à peu près ce qu’on apprend dans les collèges, en y ajoutant beaucoup de catéchisme et de blason. Il montait à cheval, tirait l’épée, était rompu aux exercices du corps. Et, avec cela, il semblait avoir une innocence de vierge, car il communiait tous les huit jours, ne lisait jamais de romans, et devait épouser à sa majorité une cousine à lui, qui était laide.

— Comment ! vous avez vingt ans à peine ! s’écria Estelle, en jetant un coup d’œil étonné sur ce colosse enfant.

Elle devint maternelle. Cette fleur de la forte race bretonne l’intéressait. Mais, comme ils restaient tous deux sur le dos, les yeux perdus dans la transparence du ciel, ne s’inquiétant plus autrement de la terre, ils furent poussés si près l’un de l’autre, qu’il la heurta légèrement.

— Oh ! pardon ! dit-il.

Il plongea, reparut quatre mètres plus loin. Elle s’était remise à nager et riait beaucoup.