Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/286

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cien notaire de Guérande, homme sourd et naïf, un ménage d’Angers qui pêchait toute la journée, avec de l’eau jusqu’à la ceinture. Ce petit monde faisait peu de bruit. On se saluait, quand on se rencontrait, et les relations n’allaient pas plus loin. Sur le quai désert, la grosse émotion était de voir de loin en loin deux chiens se battre.

Estelle, habituée au vacarme de Paris, se serait ennuyée mortellement, si Hector n’avait fini par leur rendre visite tous les jours. Il devint le grand ami de M. Chabre, à la suite d’une promenade qu’ils firent ensemble sur la côte. M. Chabre, dans un moment d’expansion, confia au jeune homme le motif de leur voyage, tout en choisissant les termes les plus chastes pour ne pas offenser la pureté de ce grand garçon. Lorsqu’il eut expliqué scientifiquement pourquoi il mangeait tant de coquillages, Hector, stupéfié, oubliant de rougir, le regarda de la tête aux pieds, sans songer à cacher sa surprise qu’un homme pût avoir besoin de se mettre à un tel régime. Cependant, le lendemain, il s’était présenté avec un petit panier plein de clovisses, que l’ancien marchand de grains avait accepté d’un air de reconnaissance. Et, depuis ce jour, très habile à toutes les pêches, connaissant chaque roche de la baie, il