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Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/349

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passé de l’eau sous les ponts !… Nous ne sommes ici que du mois de janvier.

— Madame Damour a peut-être laissé son adresse.

— Non. Connais pas.

Et, comme il s’entêtait, elle se fâcha, elle menaça d’appeler son mari.

— Ah ! çà, finirez-vous de moucharder dans la maison !… Il y a un tas de gens qui s’introduisent…

Il rougit et se retira en balbutiant, honteux de son pantalon effiloqué et de sa vieille blouse sale. Sur le trottoir, il s’en alla, la tête basse ; puis, il revint, car il ne pouvait se décider à partir ainsi. C’était comme un adieu éternel qui le déchirait. On aurait pitié de lui, on lui donnerait quelque renseignement. Et il levait les yeux, regardait les fenêtres, examinait les boutiques, cherchant à se reconnaître. Dans ces maisons pauvres où les congés tombent dru comme grêle, dix années avaient suffi pour changer presque tous les locataires. D’ailleurs, une prudence lui restait, mêlée de honte, une sorte de sauvagerie effrayée, qui le faisait trembler à l’idée d’être reconnu. Comme il redescendait la rue, il aperçut enfin des figures de connaissance, la marchande de tabac, un épi-