Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/36

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Frédéric et Naïs ne se donnèrent pas de rendez-vous. Ce fut une nuit qu’ils se retrouvèrent sous un olivier, au bord de la falaise. Pendant le repas, leurs yeux s’étaient plusieurs fois rencontrés avec une fixité ardente. La nuit était très chaude, Frédéric fuma des cigarettes à sa fenêtre jusqu’à une heure, interrogeant l’ombre. Vers une heure, il aperçut une forme vague qui se glissait le long de la terrasse. Alors, il n’hésita plus. Il descendit sur le toit d’un hangar, d’où il sauta ensuite à terre, en s’aidant de longues perches, posées là, dans un angle ; de cette façon, il ne craignait pas de réveiller sa mère. Puis, quand il fut en bas, il marcha droit à un vieil olivier, certain que Naïs l’attendait.

— Tu es là ? demanda-t-il à demi-voix.

— Oui, répondit-elle simplement.

Et il s’assit près d’elle, dans le chaume ; il la prit à la taille, tandis qu’elle appuyait la tête sur son épaule. Un instant, ils restèrent sans parler. Le vieil olivier, au bois noueux, les couvrait de son toit de feuilles grises. En face, la mer s’étendait, noire, immobile sous les étoiles. Marseille, au fond du golfe, était caché par une brume ; à gauche, seul le phare tournant de Planier revenait toutes les minutes, trouant les ténèbres d’un