Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/41

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qui jettent des réverbérations de four, de petits lézards gris dorment, tandis que, du brasier des herbes roussies, des nuées de sauterelles s’envolent, avec un crépitement d’étincelles. Dans l’air immobile et lourd, dans la somnolence de midi, il n’y a d’autre vie que le chant monotone des cigales.

Ce fut au travers de cette contrée de flammes que Naïs et Frédéric s’aimèrent pendant un mois. Il semblait que tout ce feu du ciel était passé dans leur sang. Les huit premiers jours, ils se contentèrent de se retrouver la nuit, sous le même olivier, au bord de la falaise. Ils y goûtaient des joies exquises. La nuit fraîche calmait leur fièvre, ils tendaient parfois leurs visages et leurs mains brûlantes aux haleines qui passaient, pour les rafraîchir comme dans une source froide. La mer, à leurs pieds, au bas des roches, avait une plainte voluptueuse et lente. Une odeur pénétrante d’herbes marines les grisait de désirs. Puis, aux bras l’un de l’autre, las d’une fatigue heureuse, ils regardaient, de l’autre côté des eaux, le flamboiement nocturne de Marseille, les feux rouges de l’entrée du port jetant dans la mer des reflets sanglants, les étincelles du gaz dessinant, à droite et à gauche, les courbes allongées