Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/42

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des faubourgs ; au milieu, sur la ville, c’était un pétillement de lueurs vives, tandis que le jardin de la colline Bonaparte était nettement indiqué par deux rampes de clartés, qui tournaient au bord du ciel. Toutes ces lumières, au delà du golfe endormi, semblaient éclairer quelque ville du rêve, que l’aurore devait emporter. Et le ciel, élargi au-dessus du chaos noir de l’horizon, était pour eux un grand charme, un charme qui les inquiétait et les faisait se serrer davantage. Une pluie d’étoiles tombait. Les constellations, dans ces nuits claires de la Provence, avaient des flammes vivantes. Frémissant sous ces vastes espaces, ils baissaient la tête, ils ne s’intéressaient plus qu’à l’étoile solitaire du phare de Planier, dont la lueur dansante les attendrissait, pendant que leurs lèvres se cherchaient encore.

Mais, une nuit, ils trouvèrent une large lune à l’horizon, dont la face jaune les regardait. Dans la mer, une traînée de feu luisait, comme si un poisson gigantesque, quelque anguille des grands fonds, eût fait glisser les anneaux sans fin de ses écailles d’or ; et un demi-jour éteignait les clartés de Marseille, baignait les collines et les échancrures du golfe. À mesure que la lune montait, le jour grandissait, les ombres devenaient plus