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Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/45

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être ne demandait qu’à être son chien : on ne le verrait pas, on ne l’entendrait pas, pourquoi ne point lui permettre d’agir à sa guise ? Dès lors, si les amants eussent écouté, quand ils se baisaient à pleine bouche dans les tuileries en ruines, au milieu des carrières désertes, au fond des gorges perdues, ils auraient surpris derrière eux des bruits étouffés de sanglots. C’était Toine, leur chien de garde, qui pleurait dans ses poings tordus.

Et ils n’avaient pas que les nuits. Maintenant, ils s’enhardissaient, ils profitaient de toutes les occasions. Souvent, dans un corridor de la Blancarde, dans une pièce où ils se rencontraient, ils échangeaient un long baiser. Même à table, lorsqu’elle servait et qu’il demandait du pain ou une assiette, il trouvait le moyen de lui serrer les doigts. La rigide madame Rostand, qui ne voyait rien, accusait toujours son fils d’être trop sévère pour son ancienne camarade. Un jour, elle faillit les surprendre ; mais la jeune fille, ayant entendu le petit bruit de sa robe, se baissa vivement et se mit à essuyer avec son mouchoir les pieds du jeune maître, blancs de poussière.

Naïs et Frédéric goûtaient encore mille petites joies. Souvent, après le dîner, quand la soirée