Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/46

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était fraîche, madame Rostand voulait faire une promenade. Elle prenait le bras de son fils, elle descendait à L’Estaque, en chargeant Naïs de porter son châle, par précaution. Tous trois allaient ainsi voir l’arrivée des pêcheurs de sardines. En mer, des lanternes dansaient, on distinguait bientôt les masses noires des barques, qui abordaient avec le sourd battement des rames. Les jours de grande pêche, des voix joyeuses s’élevaient, des femmes accouraient, chargées de paniers ; et les trois hommes qui montaient chaque barque se mettaient à dévider le filet, laissé en tas sous les bancs. C’était comme un large ruban sombre, tout pailleté de lames d’argent ; les sardines, pendues par les ouïes aux fils des mailles, s’agitaient encore, jetaient des reflets de métal ; puis, elles tombaient dans les paniers, ainsi qu’une pluie d’écus, à la lumière pâle des lanternes. Souvent, madame Rostand restait devant une barque, amusée par ce spectacle ; elle avait lâché le bras de son fils, elle causait avec les pêcheurs, tandis que Frédéric, près de Naïs, en dehors du rayon de la lanterne, lui serrait les poignets à les briser

Cependant, le père Micoulin gardait son silence de bête expérimentée et têtue. Il allait en