Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/52

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et deux grands plis se creusaient aux coins de sa bouche.

Depuis cinq jours, le terrible vent du nord-ouest, le mistral, soufflait. La veille, il était tombé vers le soir. Mais, au lever du soleil, il avait repris, faiblement d’abord. La mer, à cette heure matinale, houleuse sous les haleines brusques qui la fouettaient, se moirait de bleu sombre ; et, éclairée de biais par les premiers rayons, elle roulait de petites flammes à la crête de chaque vague. Le ciel était presque blanc, d’une limpidité cristalline. Marseille, dans le fond, avait une netteté de détails qui permettait de compter les fenêtres sur les façades des maisons ; tandis que les rochers du golfe s’allumaient de teintes roses, d’une extrême délicatesse.

— Nous allons être secoués pour revenir, dit Frédéric.

— Peut-être, répondit simplement Micoulin.

Il ramait en silence, sans tourner la tête. Le jeune homme avait un instant regardé son dos rond, en pensant à Naïs ; il ne voyait du vieux que la nuque brûlée de hâle, et deux bouts d’oreilles rouges, où pendaient des anneaux d’or. Puis, il s’était penché, s’intéressant aux profondeurs marines qui fuyaient sous la barque. L’eau