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Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/53

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se troublait, seules de grandes herbes vagues flottaient comme des cheveux de noyé. Cela l’attrista, l’effraya même un peu.

— Dites donc, père Micoulin, reprit-il après un long silence, voilà le vent qui prend de la force. Soyez prudent… vous savez que je nage comme un cheval de plomb.

— Oui, oui, je sais, dit le vieux de sa voix sèche.

Et il ramait toujours, d’un mouvement mécanique. La barque commençait à danser, les petites flammes, aux crêtes des vagues, étaient devenues des flots d’écume qui volaient sous les coups de vent. Frédéric ne voulait pas montrer sa peur, mais il était médiocrement rassuré, il eût donné beaucoup pour se rapprocher de la terre. Il s’impatienta, il cria :

— Où diable avez-vous fourré vos jambins, aujourd’hui ?… Est-ce que nous allons à Alger ?

Mais le père Micoulin répondit de nouveau, sans se presser :

— Nous arrivons, nous arrivons.

Tout d’un coup, il lâcha les rames, il se dressa dans la barque, chercha du regard, sur la côte, les deux points de repère ; et il dut ramer cinq minutes encore, avant d’arriver au milieu