Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des bouées de liège, qui marquaient la place des jambins. Là, au moment de retirer les paniers, il resta quelques secondes tourné vers la Blancarde. Frédéric, en suivant la direction de ses yeux, vit distinctement, sous les pins, une tache blanche. C’était Naïs, toujours accoudée à la terrasse, et dont on apercevait la robe claire.

— Combien avez-vous de jambins ? demanda Frédéric.

— Trente-cinq… Il ne faut pas flâner.

Il saisit la bouée la plus voisine, il tira le premier panier. La profondeur était énorme, la corde n’en finissait plus. Enfin, le panier parut, avec la grosse pierre qui le maintenait au fond ; et, dès qu’il fut hors de l’eau, trois poissons se mirent à sauter comme des oiseaux dans une cage. On aurait cru entendre un bruit d’ailes. Dans le second panier, il n’y avait rien. Mais, dans le troisième, se trouvait, par une rencontre assez rare, une petite langouste qui donnait de violents coups de queue. Dès lors, Frédéric se passionna, oubliant ses craintes, se penchant au bord de la barque, attendant les paniers avec un battement de cœur. Quand il entendait le bruit d’ailes, il éprouvait une émotion pareille à celle du chasseur qui vient d’abattre une pièce de gi-