Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/55

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bier. Un à un, cependant, tous les paniers rentraient dans la barque ; l’eau ruisselait, bientôt les trente-cinq y furent. Il y avait au moins quinze livres de poisson, ce qui est une pêche superbe pour la baie de Marseille, que plusieurs causes, et surtout l’emploi de filets à mailles trop petites, dépeuplent depuis de longues années.

— Voilà qui est fini, dit Micoulin. Maintenant, nous pouvons retourner.

Il avait rangé ses paniers à l’arrière, soigneusement. Mais, quand Frédéric le vit préparer la voile, il s’inquiéta de nouveau, il dit qu’il serait plus sage de revenir à la rame, par un vent pareil. Le vieux haussa les épaules. Il savait ce qu’il faisait. Et, avant de hisser la voile, il jeta un dernier regard du côté de la Blancarde. Naïs était encore là, avec sa robe claire.

Alors, la catastrophe fut soudaine, comme un coup de foudre. Plus tard, lorsque Frédéric voulut s’expliquer les choses, il se souvint que, brusquement, un souffle s’était abattu dans la voile, puis que tout avait culbuté. Et il ne se rappelait rien autre, un grand froid seulement, avec une profonde angoisse. Il devait la vie à un miracle : il était tombé sur la voile, dont l’ampleur l’avait soutenu. Des pêcheurs, ayant vu l’accident, ac-