Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/57

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rent. Son père allait et venait comme d’habitude ; même il semblait plus doux, il la battait moins souvent.

À chaque saison, une des parties des Rostand était d’aller manger une bouillabaisse au bord de la mer, du côté de Niolon, dans un creux de rochers. Ensuite, comme il y avait des perdreaux dans les collines, les messieurs tiraient quelques coups de fusil. Cette année-là, madame Rostand voulut emmener Naïs, qui les servirait ; et elle n’écouta pas les observations du méger, dont une contrariété vive ridait la face de vieux sauvage.

On partit de bonne heure. La matinée était d’une douceur charmante. Unie comme une glace sous le blond soleil, la mer déroulait une nappe bleue ; aux endroits où passaient des courants, elle frisait, le bleu se fonçait d’une pointe de laque violette, tandis qu’aux endroits morts, le bleu pâlissait, prenait une transparence laiteuse ; et l’on eût dit, jusqu’à l’horizon limpide, une immense pièce de satin déployée, aux couleurs changeantes. Sur ce lac endormi, la barque glissait mollement.

L’étroite plage où l’on aborda se trouvait à l’entrée d’une gorge, et l’on s’installa au milieu