Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/59

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Les pêcheurs disent que le mérite de la bouillabaisse est dans la cuisson : il faut que la poêle disparaisse au milieu des flammes. Cependant, le méger, très grave, coupait des tranches de pain dans un saladier. Au bout d’une demi-heure, il versa le bouillon sur les tranches et servit le poisson à part.

— Allons ! dit-il. Elle n’est bonne que brûlante.

Et la bouillabaisse fut mangée, au milieu des plaisanteries habituelles.

— Dites donc, Micoulin, vous avez mis de la poudre dedans ?

— Elle est bonne, mais il faut un gosier en fer.

Lui, dévorait tranquillement ; avalant une tranche à chaque bouchée. D’ailleurs, il témoignait, en se tenant un peu à l’écart, combien il était flatté de déjeuner avec les maîtres.

Après le déjeuner, on resta là, en attendant que la grosse chaleur fût passée. Les rochers, éclatants de lumière, éclaboussés de tons roux, étalaient des ombres noires. Des buissons de chênes verts les tachaient de marbrures sombres, tandis que, sur les pentes, des bois de pins montaient, réguliers, pareils à une armée de petits