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Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/64

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plissait les yeux de larmes. Il semblait toujours qu’elle ne devait pas le revoir. Puis, elle lui mettait vivement une pluie de baisers sur le visage, comme pour protester et jurer qu’elle saurait le défendre.

— Qu’a donc Naïs ? disait souvent madame Rostand. Elle change tous les jours.

Elle maigrissait en effet, ses joues devenaient creuses. La flamme de ses regards s’était assombrie. Elle avait de longs silences, dont elle sortait en sursaut, de l’air inquiet d’une fille qui vient de dormir et de rêver.

— Mon enfant, si tu es malade, il faut te soigner, répétait sa maîtresse.

Mais Naïs, alors, souriait.

— Oh ! non, Madame, je me porte bien, je suis heureuse… Jamais je n’ai été si heureuse.

Un matin, comme elle l’aidait à compter le linge, elle s’enhardit, elle osa la questionner.

— Vous resterez donc tard à la Blancarde, cette année ?

— Jusqu’à la fin d’octobre, répondit madame Rostand.

Et Naïs demeura debout un instant, les yeux perdus ; puis, elle dit tout haut, sans en avoir conscience :