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Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/66

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l’eau de Cologne et la poudre de riz des filles d’Aix et de Marseille.

Toujours, bourdonnaient aux oreilles de Naïs les mots du père : « Je le tuerai… Je le tuerai… » La nuit, elle s’éveillait en rêvant qu’on tirait des coups de feu. Elle devenait peureuse, poussait un cri, pour une pierre qui roulait sous ses pieds. À toute heure, quand elle ne le voyait plus, elle s’inquiétait de « monsieur Frédéric ». Et, ce qui l’épouvantait, c’était qu’elle entendait, du matin au soir, le silence entêté de Micoulin répéter : « Je le tuerai. » Il n’avait plus fait une allusion, pas un mot, pas un geste ; mais, pour elle, les regards du vieux, chacun de ses mouvements, sa personne entière disait qu’il tuerait le jeune maître à la première occasion, quand il ne craindrait pas d’être inquiété par la justice. Après, il s’occuperait de Naïs. En attendant, il la traitait à coups de pied, comme un animal qui a fait une faute.

— Et ton père, il est toujours brutal ? lui demanda un matin Frédéric, qui fumait des cigarettes dans son lit, pendant qu’elle allait et venait, mettant un peu d’ordre.

— Oui, répondit-elle, il devient fou.

Et elle montra ses jambes noires de meurtris-