Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/67

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sures. Puis, elle murmura ces mots qu’elle disait souvent d’une voix sourde :

— Ça finira, ça finira.

Dans les premiers jours d’octobre, elle parut encore plus sombre. Elle avait des absences, remuait les lèvres, comme si elle se fût parlé tout bas. Frédéric l’aperçut plusieurs fois debout sur la falaise, ayant l’air d’examiner les arbres autour d’elle, mesurant d’un regard la profondeur du gouffre. À quelques jours de là, il la surprit avec Toine, le bossu, en train de cueillir des figues, dans un coin de la propriété. Toine venait aider Micoulin, quand il y avait trop de besogne. Il était sous le figuier, et Naïs, montée sur une grosse branche, plaisantait ; elle lui criait d’ouvrir la bouche, elle lui jetait des figues, qui s’écrasaient sur sa figure. Le pauvre être ouvrait la bouche, fermait les yeux avec extase ; et sa large face exprimait une béatitude sans bornes. Certes, Frédéric n’était pas jaloux, mais il ne put s’empêcher de la plaisanter.

— Toine se couperait la main pour nous, dit-elle de sa voix brève. Il ne faut pas le maltraiter, on peut avoir besoin de lui.

Le bossu continua de venir tous les jours à la Blancarde. Il travaillait sur la falaise, à creu-