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Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/68

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ser un étroit canal pour mener les eaux au bout du jardin, dans un potager qu’on tentait d’établir. Parfois, Naïs allait le voir, et ils causaient vivement tous les deux. Il fit tellement traîner cette besogne, que le père Micoulin finit par le traiter de fainéant et par lui allonger des coups de pied dans les jambes, comme à sa fille.

Il y eut deux jours de pluie. Frédéric, qui devait retourner à Aix la semaine suivante, avait décidé qu’avant son départ il irait donner en mer un coup de filet avec Micoulin. Devant la pâleur de Naïs, il s’était mis à rire, en disant que cette fois il ne choisirait pas un jour de mistral. Alors, la jeune fille, puisqu’il partait bientôt, voulut lui accorder encore un rendez-vous. La nuit, vers une heure, ils se retrouvèrent sur la terrasse. La pluie avait lavé le sol, une odeur forte sortait des verdures rafraîchies. Lorsque cette campagne si desséchée se mouille profondément, elle prend une violence de couleurs et de parfums : les terres rouges saignent, les pins ont des reflets d’émeraude, les rochers laissent éclater des blancheurs de linges fraîchement lessivés. Mais, dans la nuit, les amants ne goûtaient que les senteurs décuplées des thyms et des lavandes.

L’habitude les mena sous les oliviers. Frédéric