Aller au contenu

Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le premier mouvement de Nantas fut de jeter l’entremetteuse à la porte.

— C’est une infamie que vous me proposez là, murmura-t-il.

— Oh ! une infamie, s’écria mademoiselle Chuin, retrouvant sa voix mielleuse, je n’accepte pas ce vilain mot… La vérité, monsieur, est que vous sauverez une famille du désespoir. Le père ignore tout, la grossesse n’est encore que peu avancée ; et c’est moi qui ai conçu l’idée de marier le plus tôt possible la pauvre fille, en présentant le mari comme l’auteur de l’enfant. Je connais le père, il en mourrait. Ma combinaison amortira le coup, il croira à une réparation… Le malheur est que le véritable séducteur est marié. Ah ! monsieur, il y a des hommes qui manquent vraiment de sens moral…

Elle aurait pu aller longtemps ainsi. Nantas ne l’écoutait plus. Pourquoi donc refuserait-il ? Ne demandait-il pas à se vendre tout à l’heure ? Eh bien ! on venait l’acheter. Donnant, donnant. Il donnait son nom, on lui donnait une situation. C’était un contrat comme un autre. Il regarda son pantalon crotté par la boue de Paris, il sentit qu’il n’avait pas mangé depuis la veille, toute la colère de ses deux mois de recherches et