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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/131

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nard, de se recoucher, de se reposer encore. Thérèse ne l’écoutait pas ; elle cherchait et mettait ses vêtements avec des gestes pressés et tremblants. Lorsqu’elle fut habillée, elle alla se regarder dans une glace, frotta ses yeux, passa ses mains sur son visage, comme pour effacer quelque chose. Puis, sans prononcer une parole, elle traversa vivement la salle à manger et entra chez madame Raquin.

L’ancienne mercière était dans un moment de calme hébété. Quand Thérèse entra, elle tourna la tête et suivit du regard la jeune veuve, qui vint se placer devant elle, muette et oppressée. Les deux femmes se contemplèrent pendant quelques secondes, la nièce avec une anxiété qui grandissait, la tante avec des efforts pénibles de mémoire. Se souvenant enfin, madame Raquin tendit ses bras tremblants, et, prenant Thérèse par le cou, s’écria :

— Mon pauvre enfant, mon pauvre Camille !

Elle pleurait, et ses larmes séchaient sur la peau brûlante de la veuve, qui cachait ses yeux secs dans les plis du drap. Thérèse demeura ainsi courbée, laissant la vieille mère épuiser ses pleurs. Depuis le meurtre, elle redoutait cette première entrevue ; elle était restée couchée pour en retarder le moment, pour réfléchir à l’aise au rôle terrible qu’elle avait à jouer.

Quand elle vit madame Raquin plus calme, elle s’agita autour d’elle, elle lui conseilla de se lever, de descendre à la boutique. La vieille mercière était presque