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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/171

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procha de Thérèse, lui demandant avec une inquiétude douce des nouvelles de sa santé. Il s’assit un instant à côté d’elle, jouant, pour les personnes qui étaient là, son rôle d’ami affectueux et effrayé. Comme les jeunes gens étaient près l’un de l’autre, échangeant quelques mots, Michaud, qui les regardait, se pencha et dit tout bas à la vieille mercière, en lui montrant Laurent :

— Tenez, voilà le mari qu’il faut à votre nièce. Arrangez vite ce mariage. Nous vous aiderons, s’il est nécessaire.

Michaud souriait d’un air de gaillardise ; dans sa pensée, Thérèse devait avoir besoin d’un mari vigoureux. Madame Raquin fut comme frappée d’un trait de lumière ; elle vit d’un coup tous les avantages qu’elle retirerait personnellement du mariage de Thérèse et de Laurent. Ce mariage ne ferait que resserrer les liens qui les unissaient déjà, elle et sa nièce, à l’ami de son fils, à l’excellent cœur qui venait les distraire, le soir. De cette façon, elle n’introduirait pas un étranger chez elle, elle ne courrait pas le risque d’être malheureuse ; au contraire, tout en donnant un soutien à Thérèse, elle mettrait une joie de plus autour de sa vieillesse, elle trouverait un second fils dans ce garçon qui depuis trois ans lui témoignait une affection filiale. Puis il lui semblait que Thérèse serait moins infidèle au souvenir de Camille en épousant Laurent. Les religions du cœur ont des délicatesses étranges. Madame Raquin, qui aurait pleuré en voyant un inconnu embrasser la jeune veuve, ne sentait en elle aucune ré-