Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/172

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volte à la pensée de la livrer aux embrassements de l’ancien camarade de son fils. Elle pensait, comme on dit, que cela ne sortait pas de la famille.

Pendant toute la soirée, tandis que ses invités jouaient aux dominos, la vieille mercière regarda le couple avec des attendrissements qui firent deviner au jeune homme et à la jeune femme que leur comédie avait réussi et que le dénoûment était proche. Michaud, avant de se retirer, eut une courte conversation à voix basse avec madame Raquin ; puis il prit avec affectation le bras de Laurent et déclara qu’il allait l’accompagner un bout de chemin. Laurent, en s’éloignant, échangea un rapide regard avec Thérèse, un regard plein de recommandations pressantes.

Michaud s’était chargé de tâter le terrain. Il trouva le jeune homme très-dévoué pour ces dames, mais très-surpris du projet d’un mariage entre Thérèse et lui. Laurent ajouta, d’une voix émue, qu’il aimait comme une sœur la veuve de son pauvre ami, et qu’il croirait commettre un véritable sacrilège en l’épousant. L’ancien commissaire de police insista ; il donna cent bonnes raisons pour obtenir un consentement, il parla même de dévouement, il alla jusqu’à dire au jeune homme que son devoir lui dictait de rendre un fils à madame Raquin et un époux à Thérèse. Peu à peu, Laurent se laissa vaincre ; il feignit de céder à l’émotion, d’accepter la pensée de mariage, comme une pensée tombée du ciel, dictée par le dévouement et le devoir, ainsi que le disait le vieux Michaud.